Mon intérêt pour ce sujet porte sur l'origine de notre système de mesure du temps et des angles, le système numérique sexagésimal mésopotamien.
Cette représentation du temps et de l'espace est mise en œuvre dans un texte mésopotamien majeur du 12ème siècle avant notre ère, l'Enuma Eliš ou en Français Epopée de la création.
Après avoir mis à mort la matrice Tiamat, les eaux salées (la mer), le roi des dieux, la réduisant à l'état de lieux, la sépare en 2, terre KI et ciel AN et organise l'année solaire MU en 12 mois de 30 jours régulés en 4 phases lunaires. Ces mouvements astraux dont les savants observaient les levers à l'est établissent le lien entre les 360 jours de l'année, le temps et le cercle du ciel, l'espace: au jour U4 correspond le degré.
Plus discrètement dans ce texte apparaissent les 4 points cardinaux , les vents du sud, du nord, de l'est et de l'ouest.
La version de l'Enuma Eliš publiée par J.Bottéro et S.N. Kramer aux Editions Gallimard dans le recueil de textes mythologiques "Lorsque les dieux faisaient l'homme" présente une structure très particulière.
Ce texte est construit en base 60, comportant un nombre rond de vers en base 60:
36x60 vers regroupés par 2 en 18x60 lignes réparties sur 7 tablettes en 2 groupes:
Les 3 premières tablettes et les 4 suivantes comptent 450 et 630 lignes , soit 900 et 1260 vers, en base 60, 15x60 et 21x60 vers.
Tout cela prend sens dans les jeux d'écriture du cunéiforme et de sa base 60, système numérique se substituant dans l'antiquité à nos chiffres décimaux avec leurs virgules.
Mais ce texte va beaucoup plus loin que ce simple découpage en 360 parts. En l 'apprenant le savant apprend les bases du système numérique ainsi que des règles mathématiques élémentaire nécessaires au développement social du pays de l'agriculture aux grands travaux d'aménagements du territoire, canaux d'irrigations et constructions:
- calcul en base sexagésimale
- théorème de Pythagore
- Calcul des racines carrées
- équivalent des règles de dédoublement des sinus et cosinus
- calcul du cosinus de 36° ( la moitié du nombre d'Or)
(15x60)² + (21x60)² = 666 x 3600 , résultat surprenant, d'autant plus que 3600 correspond à l'idéogramme SAR2 au sens de totalité, soit le carré de la base 60x60, l'univers ici.
- l'apocalypse, les commentaires indiquent qu'il s'agit d'une métaphore désignant Babylone, capitale religieuse des mésopotamiens
- dans le livre des rois, caractérisé par la description en base sexagésimale mésopotamienne (base 60) du temple de Salomon.
Le système numérique sexagésimal mésopotamien
Inventé au 4ème millénaire par les sumériens il évolua pour devenir un véritable système de calcul positionnel en base 60, comme l'indique ses unités:
GIŠ 60, 1 clou vertical, désigne l'unité qui peut être n'importe quel puissance de 60: 1;60;3600;216000...
Minu, le nombre vient du sumérien MIN, 2 qui comme une sorte de générique peut désigner tout nombre. A noter que le ciel AN est phonétiquement le suffixe du duel, forme du pluriel des objets allant par 2 (inan, IGI AN, les 2 yeux). A noter également que si le chiffre est représenté par 2 clous verticaux, le zéro mésopotamien d'utilisation occasionnelle est représenté par 2 marques en biais.
SAR 2: 3600 désigne la totalité mais s'écrit donc 1dans ce système abstrait.
De 1 à 60, le calcul se fait en base 10 mais à 60 on repasse à 1 comme dans notre système d'heures, minutes, secondes.
216 s'écrit 3;36 pour 3x60+36
2160 s'écrit 36 pour 36x60, l'unité d'ordre 60 n'étant pas écrite.
En créant les dieux on crée également le ciel, le même idéogramme AN/DINGIR désigne les 2.
L'anthropomorphisme religieux qui calque la société divine sur celle des hommes avec 600 dieux IGIGI dirigés par 7 dieux des destins avec à leur tête un roi s'étend à la communauté divine:
- IGIGI s'écrit 5;60;60 soit 5x(60+60) donc 300 dieux en bas et 300 au ciel
- les 7 dieux des destins (NAM)sont appelés DINGIR IMIN les dieux 7
- Marduk le roi des dieux est le dieu 10
- une tablette décline les appellations numériques divines de 12 dieux: en premier lieu les 7 dieux des destins qui déclinent les sous-unités de la base 60: 60+50+40+30+20+6+10 =216 puis 5 dieux IGIGI 50;10 et 10;15;14=99 soit au total 315=15x21. Ces nombres ne sont donc pas assimilés aux dieux mais en établissent des rapports: ainsi dans l'Enuma Eliš, Marduk le dieu 10 est glorifié dans la septième tablette en recevant de ses pairs les 40 noms d'Ea son père le dieu 40. Avec 50 noms il reçoit la place de son prédécesseur ENLIL le dieu 50.
La corde est donc celle d'un arc de rayon √2 (1,4142135...) dont l'approximation en base 60 est 21/15=1,4. En trigonométrie il s'agit de la sécante, l'inverse du cosinus 1/√2.
- l'IKU est désigné par le premier idéogramme E au sens homophone Iku désignant un terrain entouré d'une digue. Sa surface correspond aux 6 premières tablettes, ce qu'indique la variation du nombre de lignes MU:
En sumérien MU signifie par homonymie: nom, mot, ligne de texte, année
T1 162 MU
-12
450 lignes de textes
12x12 x 10x10 = 120²= 1 IKU
IKU
918 MU ou 1836 vers= 36² x 17/12
17/12 = voir algorithme des racines carrées Ö2
450 MU
T2 150 MU
-12
T3 138 MU
(+8)
T4 146 MU
+10
18 lignes(montée sur l’estrade royale)
+450 lignes de texte
630 MU
630/450=21/15 Ö2
21/15 x 10/7 = 2
T5 156 MU
+10
T6 166 MU
(-4)
T7 162 MU
Glorification par 40+2 MU
42/60=7/10
- L'IKU est égale à 100 SAR1, surface de 12 coudées². SAR1 signifie aussi écriture. D'où un second sens , l'IKU c'est écrire les ME qui est la grande métaphore cunéiforme du texte.
En babylonien Mu, Me signifie "eaux" (Nominatif, Forme construite) qui sont la matrice Tamat et le progéniteur Apsu (eaux salées et douces =mer et nappe phréatique). Mise à mort ces prodivinités deviennent des lieux tout comme la fonction du mot "eau" en sumérien qui est la particule post-posée indiquant le locatif (complément de lieu).
En sumérien Mu renvoie à MU aux sens de mot, nom, ligne de texte, année.
Me renvoie au sumérien ME, la centaine et la fonction. Les ME sont un concept mythologique important désignant les valeurs de la civilisation bonnes et mauvaises au nombre de 100(justice, art de l'écriture , colère...). C'est là probablement que se trouve la dimension spirituelle du texte. Avec les 50 noms MU de la glorification et le dédoublement des MU lignes de texte on arrive à 100...les eaux réduites à l'état de lieux, à l'image des lagunes mélant eaux douces et salées, où poussent les roseaux GI, désignant également le calame GI de l'écriture SAR1 sur la tablette DUB des destins. - Le BUR est une surface de 18 IKU. Son idéogramme est le signe 10, un coin court et appellation numérique du roi Marduk. Ce de dernier nom écrit AMAR-UTU renvoie à Buru traduction de AMAR, "petit d'animal". Les 18 MU lignes de texte placées au centre des 450+18+450 lignes de textes de l'IKU de T1 à T6 , on forme le nom de Marduk, décrit "enfant du soleil" littéralement AMA-UTU. Le signe UTU est le chiffre 21, signifie aussi U4 le jour.
Construction en 7 tablettes
- 15x60 vers dans les 3 premières tablettes
- 21x60 vers dans les 4 suivantes
- la démonstration graphique du théorème de Pythagore, qui appliquée dans le système de mesure des surfaces l'IKU, s'exprime sous la forme: 1+2=3 (V1 + V2 = V3, V pour le symbole racine carrée)
- un mode de calcul des racines carrées, exprimé à partir du nombre 2. Nombre en babylonien se dit minu, du sumérien MIN, 2, le premier nombre. l'unité GIS ou 60 désignant l'objet par jeu idéographique et 3600, SAR2 le ciel et la terre AN-KI)
- une méthode de calcul du cosinus 36° ( pas de cosinus à cette époque, la métaphore du texte est l'arc de Marduk, sa corde ES et sa flèche TI), nécessaire au découpage du premier cycle de cette genèse selon l'appellation numérique du nouveau roi des dieux Marduk.