jeudi 22 août 2013

Ecriture cunéiforme et base 60: métaphores

Le titre du blog, le nouvel an, vient de du début de mon intérêt à ce sujet. Je ne suis ni linguiste ni mathématicien.
En lisant un magasine de mes enfants, Eureka (équivalent de science et vie junior), j'apprenais que notre système de mesure des angles et du temps remontait aux mésopotamiens.
Si pour la vie courante, le peuple utilisait un système décimal comparable à celui des romains, avec des unités, dizaines, centaines et milliers, leurs savants se servaient d'un système sexagésimal (=de base 60) pour les mesures astronomiques, mais aussi métrologiques.

Il nous est familier, car ce sont nos heures, 60 minutes, 3600 secondes, et nos 360 degrés.
Pour les mesures angulaires de la position des astres, on comprend facilement qu'il était bien pratique. Le cercle formé par l'horizon, de 360 degrés,  correspond à la description faite dans l'enuma elish, d'une année de 360 jours, répartie en 12 mois de 30 jours.
La voûte céleste offrait ainsi chaque jour un aspect variant d'un 360ème avant de reprendre la position initiale (à 5 jours près).
Par contre, pour le calcul mental, c'est loin d'être évident, même avec l'habitude de contraintes de déplacements.A cette époque, le système numérique ne permettait d'écrire que les nombres entiers (1, 2, 3, 4...).
 Pour les décimales (les chiffres après la virgule) il fallait recourir:
  •  aux fractions pour les nombres rationnels (une suite de nombres finie après la virgule)
  • des concepts abstraits, pour les irrationnels comme la racine carrée de 2 (1.4142135...) ou bien des approximations suffisantes à l'occasion.
C'est le cas par exemple de l'année décrite en 360 jours. Enregistrant quotidiennement leurs observations depuis des siècles, leurs astronomes savait que le mois lunaire apparent est de 29 jours et demi, et très certainement que l'année solaire comptait 365 jours. Au bout de quelques années le décalage nécessitait le rajout de mois supplémentaires.
Même sans instrument perfectionné, il suffit de pointer un repère sur une étoile lointaine, reconnaissable par sa constellation
 ( la figure connue formée avec les étoiles proches), pour connaître précisément la durée de l'année. Elle reprend alors la même position. Et de plus en plus précisément avec le calcul de la moyenne.

L'écriture cunéiforme

La civilisation mésopotamienne est le mélange de 2 principaux peuples d'origine différentes: les sumériens et les akkadiens (babyloniens et assyriens).
L'écriture a été inventée à la fin du quatrième millénaire par les sumériens. Au départ il s'agissait de dessins tracés sur des tablettes d'argile. Le dessin d'un pied pouvait signifier "marcher", une part de pain devant la bouche d'une tête "manger".
Il s'agissait donc d'une écriture idéographique. Ce type d'écriture permet d'exprimer en 2 signes des notions complexes. Par exemple, le signe 4 dessiné dans une bouche, prend le sens "élever au carré", 4 = 2x2, étant le carré élémentaire.
La technique d'écriture, un calame fait d'un roseau taillé en biseau imprimant une tablette d'argile, transforme les dessins initiaux en assemblages de coins , d'où le qualificatif cunéiforme. Les mésopotamiens appelaient également leurs caractères de base SANTAK, ce qui signifie "triangle".

En 2350 avant notre ère, Sargon 1er unifie les anciennes cités-états en un seul empire. Sa capitale est akkad, d'où le nom akkadien. La légende de sa naissance a été reprise par Moïse, posé dans un panier sur un fleuve puis adopté.

Peu à peu la langue sumérienne est supplantée par l'akkadien. L'écriture est transposée à une structure linguistique totalement différente. Les suffixes, préfixes et autres particules marquant la syntaxe n'ont aucun équivalent en akkadien. Le phonétisme se développe pour s'adapter aux particularités de cette nouvelle langue.
 Au second millénaire l'akkadien se sépare en 2 dialectes principaux, l'assyrien au nord, le babylonien au sud. Au 18ème siècle, Hammourabi, 6ème représentant d'une dynastie amorrite ( territoire au nord-est du liban) établit un nouvel empire à Babylone.

Cependant, le sumérien, devenu langue morte, continue à être enseigné. C'est la base de l'écriture. L'akkadien est transcrit comme une sorte de rébus fait de mots sumériens. Les possibilités de jeux d'écriture se multiplient, pouvant n'être accessibles qu'à quelques initiés.

Par exemple, le nom Babylone, Babil(u), était écrit KA-DINGIR-RA-KI.




Le signe KA, "porte" en sumérien donne le phonème akkadien "bab" de "babu" porte."
DINGIR, dieu en sumérien devient "il" ou "ilu"en babylonien.
Les suffixes sumériens RA et KI indiquent un jeu d'écriture différent du phonétisme.
RA marque le datif, l'appartenance: "la porte aux dieux".
KI précise qu'il s"agit d'une cité.
En sumérien, la valeur phonétique KA désigne par un autre signe la "bouche" avec entre autres connotations "parole".
L'expression prend un second sens, la cité de la parole des dieux.

Au cours des siècles le nombre de signe a été réduit à environs 600, autant que le nombre de dieux.
Chaque signe comporte une ou plusieurs valeurs sémantiques, ciel ou dieu pour celui dérivant du dessin d'une étoile.

La base 60.

mardi 20 août 2013

Le nouvel an babylonien

La fête de l'Akitu et l'Enuma Elish


Reposant sur une économie agricole, la société mésopotamienne s'organisait selon les cycles des saisons. L'activité sociale était rythmée par le suivi des plantations, la succession des lunaisons, le renouvellement des années.
Le nouvel an, indiqué par l'équinoxe du printemps (aux alentours du 20 mars), était célébré par la fête de l'Akitu.

La vie était perçue comme la réalisation des plans divins. Les décisions des dieux, à l'issue d'assemblées célestes, étaient inscrites sur la tablette des destins que détenait leur roi, Marduk, à l'époque de Babylone. Ils étaient ainsi figés dans l'argile avant leur réalisation sur terre, sous la responsabilité d'un panthéon de 7 dieux.

L'idéogramme SAR1, "écrire", désignait également un jardin  et une surface carrée de 12 coudées de côté
 (6 mètres sur 6). Une bonne récolte était gage que tout allait bien.

A Babylone, la fête de l'Akitu durait 12 jours, autant que de mois lunaires dans l'année.

2 expressions désignaient
 le nouvel an:
  • SAG-MU: littéralement "tête" de l'année".
  • IGI-MU: "oeil de l'année", à comprendre "face de l'année" ou "premier de l'année" par le connotations du signe IGI, "oeil" en sumérien.
    Les jours, ou les cycles, étaient donc perçus comme une pile de disque, un ensemble, dont on ne voyait que l'élément du dessus.
 Le soir du quatrième jour, le roi déclamait l'Enuma Elish au pied de la ziggurat de Babylone, l'Etemenanki (la tour de Babel).

Ce récit religieux majeur, appelé aussi Epopée de la Création, raconte en sept tablettes, la naissance des dieux et la formation de l'univers, ciel et terre "an-ki", la construction de Babylone, son complexe religieux, l'E-sag-il (temple-sommet-élevé) et sa tour.

Résumé de l'Enuma Elish:

Au départ l'univers est formé de 2 prodivinités, Ti-amat (la mer) et Apsû (la nappe phréatique).

Lorsque en-haut, le ciel nétait pas nommée,
qu'en bas la Terre, d'un nom n'était pas appelée...

Les mésopotamiens nommaient leurs récits par les premiers mots. Enuma Elish signifie "lorsque là-haut".

Tiamat et Apsû, qui jusque là mélangeaient sans trouble leurs eaux salées et douces, enfantent des dieux.
Dans la première tablette, Apsû, importuné par le désordre créé, projette de tuer les dieux. Devinant ses plans, le dieu Ea ("intérieur de l'eau")l'endort par un philtre et le met à mort.
Il fait de sa dépouille sa demeure. Siégeant au milieu avec son épouse Damkina, il donne naissance à un fils, Marduk, suréminent sur tous les plans. Il a 4 yeux et 4 oreilles (signifiant tout aussi bien qu'il voit et entend 4, au sens de comprendre).
Il est désigné par ses pairs pour affronter Tiamat en furie, résolue à venger la mort de son époux Apsû.
Au début de la quatrième tablette (T4), Marduk monte sur l'estrade royale.
Puis armé de 4 vents et de son arme divine, abubu, "le déluge" il engage le combat et tue Ti-amat en la perçant d'une flèche au vers 102  de cette tablette.

Il coupe son corps en 2, créant le ciel avec la partie supérieure dont le fois constitue la voûte céleste.
Il prend les cotes de l'Apsû pour établir un nouvel Apsû au ciel, sa demeur l'Esarra ("temple de toutes les eaux").
Il établit les 4 phases lunaires et règle le soleil pour former l'année en 12 mois lunaires de 30 jours.

Les dieux édifient alors sur Terre une demeure pour les accueillir, l'Esagil à Babylone. Ils mettent 2 années pour construire sa tour, l'Etemenanki:
  • une année pour mouler ses briques d'argile
  • une année pour en élever le faîte.
La création proprement dite se termine à la fin de la sixième tablette (T6) par une liste de 10 noms, conférant à Marduk une appellation numérique connue ailleurs, le "dieu 10".
Les 600 dieux Igigi (écrit 5-60-60) sont répartis en 2 groupes, 300 au ciel et 300 en bas.

La septième tablette est entièrement dévolue à la glorification de Marduk qui reçoit les 40 noms de son père Ea  (le "dieu 40")comme autant de pouvoirs. Ce total de 50 noms légitime sa suprématie, remplaçant l'ancien roi Enlil (le "dieu 50"). Enlil confirme ce nouvel ordre en lui offrant un premier nom supplémentaire Enkurkur "seigneur de tous les pays". Enfin, Ea, son père, lui donne un 52ème nom, le sien. Marduk, le fils, devient Ea, le père, créateur de l'humanité et détenteurs des "ME", les principes de la civilisation.


interprétation:

 

La simple traduction ne rend pas la grandeur d'un texte qui a rayonné sur l'antiquité pend plus d'un millénaire. Le récit apparaît simpliste, empreint de naïveté et d'archaïsme.
C'est la mise en forme du texte, toujours recopié à l'identique, qui en fait un chef d'oeuvre extraordinaire, reléguant les éléments du récit au rôle de métaphores accompagnant le cheminement d'un raisonnement d'un niveau de pensée inouïe.

Nous verrons au fil du raisonnement le sens des métaphores qui découlent des jeux phonétiques et graphiques de l'écriture cunéiforme. Comme il s'agit d'un blog, on peut se permettre de se tromper, je m'en aperçois régulièrement moi-même. Plus ou moins tout , ici, est à vérifier ou peut être interprété différemment. Le but est d'avancer  dans la compréhension, bien des points me sont obscures.

Le dernier idéogramme du texte, TI, la "vie" indique que le sens de l'oeuvre est d'en comprendre les origines, son premier cycle, ce qui le définit comme une genèse.

L'expression IGI-MU, nouvel an, se prête à des jeux de mots.
Le siggne IGI sert en effet également de chiffre 1000, LIM.
IGI-MU peut donc s'entendre également comme LIM-MU, limmu, le nombre 4 en sumérien, la langue morte de leurs savants qui parlaient le babylonien.
MU a 3 sens qui se marrient au texte: "année, mot et ligne de texte".
En babylonien l'homophone mu signifie les eaux.

les 2 entités du départ, le féminin et le masculin, constituant la racine carrée de 4. Le raisonnement est d'une logique évidente . Si 4 est le carré évident de 2, tout comme il faut un père et une mère pour faire des enfants, en comprendre l'origine est beaucoup plus compliqué: c'est calculer la racine de 2. C'est aussi le symbole du savoir, l'Apsû.

Pour ce faire, la répartition des vers décrit une figure géométrique montrant à 3 reprises le principe du théorème de Pythagore.
Le point commun avec la racine carrée de 2, est qu'elle est le rapport entre la diagonale (hypoténuse) d'un carré et son côté.
On verra ensuite que les 6 premières tablettes décrivent un carré de côté 30 soixantaines comme la tablette de Yale. La septième l'agrandit en un carré représentant toutes les eaux, de 36 soixantaines de côté , ce qui correspond au nombre de demi-vers des 18x60 ligne du texte, construit selon la base 60 des savants sumérien.
Le mode de calcul de la racine de 2 se présente comme une suite logique. Le carré initial est allongé en un rectangle avec un reste.
Cela est indiqué par les 2 vers supplémentaires qui porte le nombre à 52 au lieu de 50 (le double du carré 5x5) et une anomalie du texte 2 vers supplémentaires , qui nous indique de répéter le raisonnement à son début, vers 81 et 82 qui annonce la naissance de Marduk.  En effet on a vu plus haut que 1000, l'idéogramme LIM est aussi IGI "voir".